Je n’ai jamais aimé les trains… mais j’aime les rencontres qui y naissent. C’était un mardi gris, direction Toronto. Wagon tranquille, lumière tamisée, passagers absorbés dans leurs téléphones ou leurs pensées. Moi, j’étais entre les deux. Et puis, elle s’est installée à côté de moi : coiffure bien tissée, lunettes rondes, un tote bag marqué “Festival franco‑ontarien”. Une Franco-Ontarienne pure jus, l’air avenant, le sourire facile, du genre à offrir un bonjour avant même de demander un siège. Tu vois le style? Celle qui cherche à briser la glace avant même qu’elle se forme.
— Salut! Première fois à Toronto?
— Oui, c’est ma première fois. J’y vais pour le travail.
Puis, la fameuse question. Toujours délicate, parfois maladroite :
— T’es originaire de quelle partie de l’Afrique?
J’ai esquissé un sourire. C’est fou comme certains raccourcis ont des jambes longues. Techniquement… de plusieurs parties, ai-je répondu. Dahomey, Yoruba, Congo, Togo peut-être… Mes ancêtres ont été forcés de prendre le bateau sans GPS, alors ils ont fait escale un peu partout. Mais moi, je suis né dans une île bercée par le tambour et la tempête. Une île qui parle créole, cuisine épicé, aime fort, et danse même quand elle pleure.
— … Haïti? Elle a deviné ou senti. Je ne sais pas.
Et là, sans prévenir, elle m’a regardé avec un petit sourire complice, comme un mot de passe entre initiés : — Sak pase?
Je te jure que mon cœur a souri. Mes aïeux aussi, j’imagine. Je ne m’y attendais pas. Je l’ai regardée. Longtemps. Comme si ce “Sak pase?” venait d’ouvrir une autre porte du train. Une qui mène ailleurs.
Et j’ai répondu, tout naturellement, presque comme un réflexe : — N ap boule.
Ce jour-là, je savais que le voyage allait être différent. Parce qu’on venait d’invoquer quelque chose de plus profond qu’une salutation. On venait de parler en code, en mémoire et en feu.

Sak pase?
Ce sont trois syllabes. Mais c’est aussi une main tendue. Une manière de dire : “Je suis là. Et toi, tu tiens le coup?” C’est une invitation à déposer les masques, à dire comment la vie te bouscule, ou t’embrasse ou t’embrase.
En créole, littéralement, ça veut dire : Qu’est-ce qui se passe? Mais dans la bouche d’un.e Haïtien.ne, c’est un signal. Une accolade. Une main sur l’épaule, même à distance. Parce que quand on te dit “Sak pase?”, on te parle de ton état, de ton feu intérieur, de ton souffle.
Et ce qui est fascinant, c’est la réponse : N ap boule. Pas juste “M ap boule”. (Je vais bien). Non. NOUS. Et ce “nous” n’a rien d’anodin. Il ne parle pas à la troisième personne. Ce n’est pas de l’impersonnel. C’est un nous d’alliance. Un nous du lien, du partage, de la chaleur collective.
Nous chauffons. Nous brûlons. Ensemble. Même quand la vie étouffe. Même quand le monde s’effondre autour : N ap boule.
Certains diront que “N ap boule” fait référence au feu, et c’est vrai. Mais un feu nourricier. Un feu de camp, de cuisine, de communion. Le feu qui attire les gens, qui résiste au vent. Le feu qu’on ne peut pas confisquer. Pas celui qui détruit. Mais celui qui éclaire, qui soude.
Et à chaque fois qu’on l’échange, même dans un train entre Ottawa et Toronto, c’est Haïti qui parle. C’est l’Afrique en exil qui salue. C’est la chaleur d’un peuple qu’on n’a jamais réussi à refroidir.
D’où vient ce feu?
Ce sont nos ancêtres qui ont déposé dans notre langue ces mots comme des graines. Derrière ce “Sak pase”, il y a l’écho des royaumes d’Afrique de l’Ouest, notamment celui du Dahomey, d’où venaient nombre d’esclaves déportés à Saint-Domingue. Un peuple qui a refusé de plier. Un peuple qui a répondu à la déshumanisation par l’humanité, à la brutalité par le feu.
Aujourd’hui, l’expression a dépassé les collines d’Haïti. On l’entend à Montréal, à New York, à Paris, à Miami. Dans les ruelles, dans les métros, dans les rassemblements politiques ou les soirées culturelles. Un “Sak pase?” lancé au hasard et aussitôt un “N ap boule” qui fuse comme une preuve de vie. Et quand Wyclef Jean l’a hurlé en ouverture de la finale de la Coupe du monde 2014, ou qu’un fils d’immigré haïtien le porte fièrement sur son t-shirt, “Sak pase” n’est pas du style. C’est du feu. C’est une façon de dire au monde : Nous sommes là avec notre langue, notre chaleur, notre humour. Et on ne se fondra pas.
Et ce feu-là, tu sais…
Ce n’est pas une flamme qui détruit. C’est une braise qui réchauffe. Un feu qui traverse les océans et les siècles sans jamais s’éteindre. Dans “n ap boule”, il y a la vérité d’un peuple qui a compris que le feu, quand on l’apprivoise, devient lumière. Alors oui, la prochaine fois qu’on te lance un “Sak pase ?”, entends-y un héritage. Une promesse murmurée au présent… mais écrite au feu de l’histoire.
Et si tu réponds “N ap boule”, fais-le avec le cœur. Parce qu’à ce moment-là, tu n’es pas juste en train de parler. Tu es en train de brûler. Vivant.
À ces mots, ses yeux se sont écarquillés. Surprise. Presque déstabilisée par ce que mes mots venaient de réveiller. Ou peut-être par l’intensité avec laquelle je les ai prononcés. Et puis, le silence est revenu. Un silence feutré. Chacune et chacun a replongé dans son monde. Mais moi, j’étais déjà ailleurs. À Port-au-Prince. À Paillant. Au Cap-Haïtien. Prêt à mettre le feu.
SAK PASE – Sweatshirt
Parle en code. En mémoire. En feu.
Affiche haut et fort ton appartenance avec ce sweat “SAK PASE?”, inspiré d’une salutation aussi simple qu’incandescente.
Dans la bouche d’un·e Haïtien·ne, ces mots ne sont pas qu’une formule : ce sont des retrouvailles, un acte d’amour, une reconnaissance.
Ce sweat célèbre les racines créoles, la fierté de la diaspora, et la chaleur d’un peuple qu’on n’a jamais réussi à refroidir.
Détails :
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Coupe unisexe confortable
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Coton doux et molletonné
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Impression de qualité supérieure
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Disponible du S au XXL
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Parfait pour revendiquer ton feu intérieur… sans dire un mot
Porte-le comme un drapeau. Ou mieux : comme un poème.